" J'ai d'abord vu la crasse. Je me souviens maintenant. Moi, enceinte jusqu'au cou, pénétrant pour la première fois cet appartement. J'ai fermé la porte, baissé les volets et ai tout de suite entamé le ménage. J'ai frotté les jours, balayé la peur de chaque recoin, de chaque pièce, jusqu'à ce qu'un logis impeccable reflète une vie impeccable. Normal, c'est impeccable. Normal, c'est mon enfance, des vacances à la mer, une petite robe bleue et deux tresses. J'ai gratté chaque parcelle de regret d'entre les nervures du plancher, jusqu'à les oublier. Dans la crasse, il y avait tout ce qui n'était plus utile. Et peut-être aussi un peu de moi. Dans la crasse, il y avait une enfance à la mer, du tissu bleu, deux tresses. Quelques visages réconfortants, le sourire d'un homme, je crois. Et peut-être aussi un peu de toi. Je n'aurais jamais dû prêter attention à la crasse. Une fois qu'on la voit, je crois qu'il est trop tard. Pour nous, je crois qu'il est trop tard."